Frédéric Vincent, Docteur en sociologie, psychanalyste, revient devant le public des Imaginales Maçonniques et Esotériques pour analyser le voyage par le biais de la figure des héros : tout héros correspond à un récit de voyage, à un double voyage en fait : le voyage spatial et l’initiation qui y prend place, ce qui correspond à toute aventure humaine. Joseph Campbell, anthropologue américain, est l’un des premiers à avoir essayé d’analyser la notion de héros sur le plan des sciences humaines, à se demander ce qu’ils nous apportent sur le plan personnel, psychique et spirituel. Pour parler du voyage du héros, il parle de « mono-mythe » .
James Hillman, dans la continuité de Jung, met en avant l’archétype du héros : pour le psychanalyste, en quoi peut-il être un outil intéressant pour apaiser les troubles du patient ? Malgré un siècle de psychothérapie, les gens vont toujours aussi mal. Le monde psychanalytique connaît toutes sortes de crises internes, lesquelles peuvent consister à se séparer de l’approche freudienne. Le génie de Freud a été de découvrir l’étiologie sexuelle des névroses dans le contexte du 19ème siècle. Mais au 20ème siècle, le sexe n’est plus le tabou qu’il était au 19ème. Campbell s’intéresse au mythe du héros comme à une nouvelle piste possible de la psychanalyse.
Frédéric Vincent choisit de prendre l’exemple de Star Wars, dans la mesure où, dit-il, il s’y raconte la même chose que dans les légendes maçonniques. Il y est question d’un voyage. Le voyage pour Campbell peut être analysé selon trois étapes : le départ, les épreuves, le retour.
Le départ est l’appel à l’aventure. Il faut accepter de quitter le monde ordinaire, son cocon, pour aller à la rencontre d’une terre inconnue, et de sa propre terre inconnue. Le départ est difficile : Ulysse par exemple a feint la folie pour ne pas partir à la guerre de Troie. La première initiation est corporelle, elle est la condition de la transformation psychique.
Frédéric Vincent dit qu’il encourage ses patients à marcher ; en marchant, on a l’occasion de méditer. Méditer, c’est se concentrer sur ce que l’on fait, c’est le contraire de la distraction. La méditation est contemplation. On peut concevoir une « psychothérapie héroïque » : comme Ulysse, s’élever à la maîtrise. Jung a montré que l’homme est un être à la fois lumineux et obscur. Dark Vador a en lui ses deux aspects, jusqu’à sa mort, puisqu’avant celle-ci, il sauve son fils, il redevient lumineux. Quand on voyage, on va vers un but, mais on est dans l’errance. Hermès, dieu des voyageurs, est aussi un fripon divin, il fait aussi en sorte que le voyageur se perde. En ce sens, la forme qui se rapproche le plus du voyage est peut-être la spirale.
Les épreuves : comment fais-je pour supporter les épreuves de la vie ? James Hillman propose un dépassement de Freud avec le concept de « vocation ». Il reprend la conclusion de la République de Platon, où un mythe raconte comment l’âme arrive sur terre. L’âme avant de venir au monde choisit une vocation, elle la demande à la Moira, il peut s’agir d’une vocation guerrière, de guérisseur, … Il y a une sorte de daimôn, d’ange-gardien, protecteur, qui choisit pour l’âme une vocation. Avant de s’incarner dans ce corps, l’âme franchit le fleuve Léthé, le fleuve de l’oubli. Elle a oublié donc en s’incarnant la vocation que le daimôn lui a choisi. Pour Hillman, soigner, c’est aider aussi la personne à trouver sa vocation, parce que pour lui les névroses ne peuvent pas être réduites à des déterminismes familiaux ou sexuels.
Le retour : on a affronté la mort, l’impossible. On a trouvé peut-être son « soi », quelque chose sur nous-même. Ne dit-on pas qu’on est « habité » par quelque chose, ou qu’un lieu a une « âme » ?
Le voyage du héros maintient ainsi une tension entre le monde intérieur et le monde extérieur. Les héros et voyageurs sont des rêveurs qui perçoivent dans le monde des signes qui leur permettent de découvrir qu’ils sont habités par une vocation.