C’est au pied levé et avec maestria que Laurence VANIN, philosophe bien connue des Imaginales Maçonniques dont elle a pratiqué toutes les éditions, s’est attachée, à l’appui d’un langage clair ponctué d’anecdotes, à éclairer son auditoire venu nombreux pour comprendre l’acception « être sceptique ».
Afin de contextualiser l’apparition de la philosophie du scepticisme, notre conférencière nous a proposé une synthèse de l‘histoire de la philosophie antique.
Philosophie ou plutôt au départ itinéraire de pensées qu’elle fait commencer, entre 7000 et 700 avant J.C., avec Zoroastre, philosophe de la terre. L’Antiquité se nourrit de ces pensées spirituelles qui voyageront d’Iran vers l’Egypte, Mycène et arriveront à Athènes où la philosophie débute véritablement avec Parménide pour qui le monde a surgi d’une unité qui, par fragmentation, a donné les multiples que nous sommes.
Puis vinrent les écoles présocratiques qui cherchaient à comprendre la nature. Pour Thalès, tout est eau, la terre flotte…Pour Héraclite, « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », l’eau est en mouvement permanent..
Se développe alors l’école pythagoricienne, avec les grammates, qui vont enseigner la grammaire des mots et des chiffres, et ceux qui pratiquent théorèmes et calcul au sens premier du terme.
Apparition de Platon et de son académie, école de la transcendance : nous étions des âmes au milieu du beau, du vrai, du juste. Nous nous sommes perdus dans le fleuve de l’oubli, l’Ethé. Réincarnés dans un corps, nous sommes dans la réminiscence, dans un monde de dérision.
Aristote, déçu de n’être pas admis par Platon dans son académie, fonde son École, celle de l’immanence : dans un premier geste, Dieu donne vie à la matière inerte ; comme dans le système des dominos, si le premier geste est mal placé, tout s’arrête. Il faut conserver la force en soi et le mouvement sinon c’est la fin du monde.
En parallèle, Épicure finit par prôner une forme d’ascétisme : se mettre à distances des mauvais désirs, des mauvaises passions, vivre avec détachement vis à vis des biens matériels.
Dans sa continuité, Diogène : « Il faut être démuni pour savoir ce que l’on a. Quand on ne possède rien, on possède ce que l’on est et on maîtrise ce que l’on est. »
La philosophie de Pyrrhon prône l’impassibilité, l’indifférence : tout est incertain, indiscernable, nos sensations ne nous apprennent ni le vrai ni le faux.
Le scepticisme antique vient compléter cette indifférence : j’interroge par rapport à mon point de vue, donc je suspends mon jugement quand je ne sais pas.
Pour Emmanuel Kant, dans « la crique de la raison pure », le sceptique se retrouve face à des antinomies – Dieu existe- Dieu n’existe pas – qui conduisent à une impasse du point de vue de la raison. Le doute sceptique n’amène à rien.
Descartes, quant à lui, « repositive » : je doute donc je pense. Je pense donc je suis….
Avec David Hume, vivre va plus vite que penser. La sensibilité nous ramène à nos fondamentaux. Il nous faut déconstruire un ordre sociologique pour réhabiliter la construction d’un moi.
Le scepticisme, c’est suspendre son jugement et être attentif à son présent. Présent qui dure dans l’instant. C’est la densité d’être qui permet d’être heureux.
Au moment où je suspends mon jugement, je me rencontre en tant qu’existant libre. Sinon, tout serait pré-établi par la croyance ou la religion. « Être sceptique, c’est rendre tout possible, faire tomber tous les préjugés. Alors, je redescends au fond de moi pour trouver ce diamant pur qui est le mien et je ne le corromps plus. ».
Lorsque je suspends mon jugement, j’ai une disposition au bonheur. Tout est permis, je peux tout reconstruire, je peux me projeter.
Dans une société actuelle de la performance, de la réussite à tout prix, où la peopolisation de l’actualité est un filtre qui fait croire qu’un point de vue est la vérité, la philosophie arrive « en retard ». Il faut prendre le temps de la réflexion, avoir toujours « le pied de côté » (M. Foucault) pour analyser une situation..
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