Georges Bertin, chercheur en sociologie, socio-anthropologue, est spécialiste de l’imaginaire, des mythes et du symbolisme. Il présente cette année un ample travail, fruit de son dernier livre, Entre Caverne et Lumière, Essai sur l’imaginaire en loge de francs-maçons, pour lequel il recevra dimanche le Prix Cadet Roussel 2017.
Georges Bertin décrit le voyage qui s’opère en loge de francs-maçons. Ce voyage est symboliquement un voyage par les quatre éléments. Il commence nécessairement dans la caverne, dans la materia prima qu’est la terre, archétype de la matrice maternelle. Puisqu’il faut apprendre à maîtriser les mots – qui peuvent devenir dangereux si on ne les maîtrise pas –, c’est le silence qui correspond à l’élément de la terre. La connaissance naît de lui.
Quand nous sortons de la maison matricielle, nous entrons dans les loges dites bleues. Nous retrouvons la couleur, c’est l’élément de l’eau. Les francs-maçons sont altérés, ils ont soif en permanence. Sur l’eau, on peut commencer à voguer : les rites sont des vaisseaux qui nous amènent au-delà de l’eau. La loge est une nef qui conduit ses membres hors du temps, elle conduit hors de, elle est littéralement éducatrice.
Après l’eau est l’épreuve du feu. La loge est alors comme l’athanor, elle opère une transformation. C’est l’étape de l’œuvre au rouge.
Le but est la lumière, la quête celle de l’étoile perdue et que par définition on désire : c’est l’élément de l’air.
Ce voyage en loge produit une transformation chez l’initié, qui, à proprement parler, s’altère : l’altération ici n’est pas simplement le fait de rencontrer une altérité, et ce n’est pas du tout une dégradation. Au contraire, devenir humain, c’est accepter l’altération, la transformation qui s’opère en moi parce que l’autre agit sur moi et qui s’opère en l’autre parce que j’agis sur l’autre. La quête du sacré n’est donc pas anodine.
Cette quête échappe à la rationalité. Ou alors il s’agit d’une raison sensible : la pédagogie en loge est fondée sur les symboles et sur les mythes.
La Franc-Maçonnerie est une chevalerie spirituelle, pour deux raisons : sa relation avec les ateliers constructeurs ; en elle renaissent les idéaux de la chevalerie. Elle a pour fonction de servir, elle a pour valeurs la liberté, l’égalité et la fraternité.
La loge est un monde imaginal : un monde bien réel, empli de matériaux et de personnes vivantes, qui préserve en même temps les initiés d’un contact brutal avec le monde matériel et oriente leur esprit vers les idées, par le biais d’un voyage.