
"les mots du voyageur, entre ombre et lumière"
Un temple archi-comble. La musique de Bratsch Mangeur de lune pour accueillir les participants. Nous sommes bien entre terre et ciel pour écouter « les mots du voyageur entre ombre et lumière », thème de la conférence de Claude Vautrin, animée par Anne-Laure Marioton. Un rendez-vous à deux voix qui va inviter l’auditoire à l’évasion, certes, mais surtout à la réflexion. Car comme le voyage, les mots invitent à penser, sont porteurs d’idées, participent au langage, renvoient en cela à la faculté de communiquer avec autrui. « Voyager incite à y recourir à moins de traverser le monde muet d’admiration et frappé d’horreur selon la direction prise ». L’auteur du « dictionnaire du voyageur entre ombre et lumière » paru chez Kaïros en ce mois de mai, situe ainsi la réflexion dans cette dualité sensible, sachant, comme le rappelle Anne-Laure Marioton, citant Albert Camus, que « la vérité d’un mot ne lui est pas acquise, qu’elle se fait peu à peu dans la phrase, le discours, la littérature ». Elle ajoute : « à lire l’ouvrage de Claude Vautrin, elle se construit aussi dans la découverte du monde », entre beautés et violence sourde. Les 170 entrées du dictionnaire en témoignent. Le mot frayer, du latin fricare, frotter, en est une. Un voyageur se frotte immanquablement au monde, fait face « à ce qui doit arriver », l’adventurus latin qui a donné le mot aventure. Des balises clignotent un peu partout sur la planète, le monde se rétrécit, pour faits de violence, de guerre, ou de pandémies, mais toujours des lumières guident, apaisent les inquiétudes, incitent au mouvement. Entre brumes et désert, forêts et océans, la nature s’impose dans le propos. Des musiques, des extraits lus, contés, captent l’attention. Le débat s’ouvre sur les mots bien sûr – générations, éthique, ésotérisme, parfums, nostalgie, entre autres – sur des aphorismes de l’auteur, autant d’invites à philosopher, sur des citations liées au voyage. Retenons celle de Mark Twain, l’auteur des aventures de Tom Sawyer (1876) : « voyager est fatal aux préjugés, à l’intolérance, à l’étroitesse d’esprit et beaucoup de gens en ont cruellement besoin ». Propos et conclusion, on en convient, d’une brûlante actualité.
Conférence de Claude Vautrin