
"au nom du peuple, le populisme"
Le populisme n’est pas une idéologie. Mot-valise brandi comme un étendard, plus souvent utilisé comme argument d’autorité ou insulte pour disqualifier « l’autre ». Pourtant, derrière l’insulte, une constante : le refus du système, des élites, du langage institutionnel. Et une revendication tenace : rendre la parole au « vrai peuple ».
Historiquement, il apparait là où les fractures se creusent. Russie, USA, France (Au 19ème siècle), en Amérique latine, en Allemagne et en Italie (au 20ème Siècle). Pour autant, il ne s’agit pas là d’un phénomène appartenant au passé. De nos jours, il semble revenir en force, de Trump à Orban, de Chavez à Mélenchon, ou encore Marine Le Pen. Mais qu’est-ce qui définit, intrinsèquement, le populisme ?
Ce qui lie les populismes n’est pas un programme, mais une grammaire et une rhétorique commune s’appuyant sur cinq principaux piliers :
1. Un peuple fantasmé, bon par essence, homogène, victime silencieuse.
2. Des élites corrompues, coupables idéales, ennemies désignées.
3. Un leader-sauveur et un culte de la personnalité, tribun ou prophète, qui prétend incarner à lui seul la volonté générale.
4. Une démocratie confisquée, à reconquérir par la voie directe, sans filtre ni détour.
5. Une montée en régime de l’émotion, carburant principal : peur, colère, frustration, parfois amour mystique de la patrie.
Ajoutons une rhétorique simpliste, binaire, parfois volontairement approximative, qui oppose le « bon sens populaire » aux complexités technocratiques d’une élite. Et promet des réponses immédiates à des problèmes intemporels.
Mais dès que le populisme passe de la scène au pouvoir, les masques tombent. Le pouvoir se concentre, les contre-pouvoirs se réduisent, la démocratie se vide — sans pour autant s’avouer morte. On parle alors de démocrature : l’habillage électoral, la camisole autoritaire.
Faut-il s’y résigner ? Non. Mais il faudra plus qu’un sursaut. Réhabiliter les corps intermédiaires, moderniser les institutions et redonner à la démocratie ses lettres de noblesse sont les matériaux indispensables à la fondation d’une nouvelle forme de gouvernance à laquelle le peuple pourrait croire et ainsi retrouver le goût de la politique dont il se sent aujourd’hui exclu, faute à des années de mépris de la classe dirigeante.
Conférence de Sylvain Chimello