De Pocahontas aux Red Men,ou les rituels amérindiens vus et révisés par les Blancs
L’intervention de l’essayiste et américaniste Lauric Guillaud porte sur le rôle méconnu, voire ignoré, des rituels amérindiens dans l’histoire américaine à travers deux exemples. D’abord, ce qu’on a appelé le « grand mythe américain », l’histoire de Pocahontas, la soi-disant « princesse indienne » qui devint une icône en sauvant à Jamestown le capitaine Smith et en devenant l’incarnation même de l’amitié entre Blancs et Indiens.
Une légende qui se développa à partir d’un rituel qui n’était en fait qu’une fausse cérémonie traditionnelle chez les Indiens algonquins autrement dit un simple « rituel d’adoption ». En effet, pour être accepté dans une société secrète indienne, un étranger devait connaître la mort rituelle afin de renaître. Ce « grand mythe » était en fait une sorte d’imposture.
Le second exemple, celui des Red Men, une société paramaçonnique fondée dans le but de commémorer la Tea Party de Boston, lorsque des francs-maçons patriotes déguisées en Indiens mohawk jetèrent à l’eau 342 caisses de thé pour dénoncer les taxes imposées par Londres en 1773.
La société des Red Men fut créée en 1813, incorporant des rituels natifs, mais sans jamais accepter une seule présence indienne. Il faudra d’ailleurs attendre 1974 pour que les Red Men s’ouvrent à des ethnies authentiquement « peaux-rouges ».
Ces deux exemples démontrent la conception tout à fait particulière des Blancs à l’égard du monde indien. On ne peut en effet rendre hommage à un groupe ethnique en se réappropriant sa culture. La Pocahontas du mythe n’avait rien d’Indien. Elle cachait sous sa parure princière l’horreur des génocides à venir ; et l’éclat caucasien de son visage, fortement diffusé à travers les âges, offrait un miroir rassurant à la bonne conscience de l’Occident chrétien.